Erotisme Et Poésie (6) : « Ode À L’Amant » De Marie Dauguet

Grâce à l’Anthologie de la poésie érotique de Pierre Perret (Editions Nil 1995), je continue à découvrir et donc faire connaître ici des poètes et poétesses qui ont écrit de merveilleux poèmes érotiques. C’est le cas de Marie Dauguet (1860-1942).

Cette rubrique a pour objet principal de partager le texte d’un poème, après avoir brièvement rappelé la vie et l’œuvre du poète. Ces textes courts sont de petits interludes dans mes publications, dans lesquels j’entends donner d’abord la parole au poète et où je ne prétends pas (de quel droit et à quel titre ?) m’ériger en critique. Ma seule ambition dans cette rubrique est de partager un poème que j’ai eu plaisir à découvrir

Lisez ou écoutez plutôt. Pour reprendre le titre de l’Anthologie de la poésie féminine, écrite par Françoise Chandernagor : « quand les femmes parlent d’amour ! »

MARIE DAUGUET

Née Julie Marie Aubert, Marie aime vivre librement dans la nature, qui sera sa grande inspiratrice. En 1875, ses parents s'établissent aux forges du Beuchot, au cœur des ballons vosgiens. Elle y épouse Henri Dauguet, un ami d’enfance. « D’esprit cultivé, de sympathie large ouverte à tout ce que je formulais de ma pensée ou de mes rêves, je lui dois l’éclosion de ce qu’on veut bien m’accorder de talent. » Le couple aura une fille.

Musicienne passionnée de Chopin, composant et peignant, elle se mit à écrire des poèmes, loin de toute école et de toute doctrine. « L’art fut vraiment pour moi la libération », écrit-elle le 15 février 1904.

Marie Dauguet en 1897 fait paraître son premier ouvrage, « La naissance du poète ». Elle collaborera à plusieurs revues : Mercure de France, Minerva, La Fronde, Revue Hebdomadaire, La Plume, Poésia… Quoique vivant à l'écart, elle connaît les milieux littéraires et fait quelques séjours parisiens. L'Académie française couronne son recueil « Par l'amour » en 1906. En 1924 elle perd son mari et s'installe à Enghien.



Cette poétesse des années 1900 est aujourd’hui presque oubliée. Il s'agit pourtant d'une des plus grandes voix du début du siècle, l'une des premières femmes à entrer dans la prestigieuse et ô combien masculine revue du "Mercure de France". La plupart des critiques ignorèrent cette poétesse qui vivait loin des salons littéraires, dans un coin des Vosges où elle s'occupait de sa ferme et de recherches botaniques.

COMMENTAIRES

Les femmes osent la poésie érotique et Marie Dauguet est une pionnière à son époque.

La passion physique se ressent dans le style de ce poème, un peu chaotique, le rythme irrégulier, l'absence de rime ou les rimes répétitives (chair rime avec chair, sauvage avec sauvage, main avec main).

Ce poème a une vigueur qui se veut égale à celle du mâle. A noter l'important champ lexical autour de la nature, qu'elle vénère, pour magnifier l'amour charnel. Notez aussi comment toute cette puissance retombe en douceur dans les derniers vers après l'assouvissement. ("dénouent", "retombent", "doux", "", "innocent", "ange").
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TEXTE DU POEME :
Ode à l'amant

Tu es la vigueur du soleil
Et ta sève embaume.
Elle est un ruisseau de mai sous l'aubépine,
Plus douce que la fleur du sureau.
Tu te dresses et tu es la force de la forêt!
Tes reins blessent mes mains nouées,
Tu es rude comme un chêne.
Je t'ai baisé comme un rouge-gorge dans ma main,
J'aime la tiédeur de ton corps dans ma main.
Je me rassasie de ton odeur sauvage;
Tu sens les bois et les marécages
Tu es beau comme un loup,
Tu jaillis comme un hêtre
Dont l'énergie gonfle l'écorce.
... Le nœud de tes épaules est dur sous les mains;
L'axe du monde est dans ta chair.
... Mais je louerai ton cri sauvage,
Mais je louerai ton corps qui embaume,
C'est un bois sauvage aux rudes fleurs.

Je louerai ta brutalité,
Le sanglot rauque de ta chair;
Je louerai ta sève immense
Où l'univers est en puissance.
Je louerai tes poings et comment ils se dénouent
Tout à coup quand tu retombes
Au creux d'une épaule,
Plus doux qu'un petit
Et plus innocent qu'un ange.

(Extrait de Ce n'est rien, c'est la vie - Ed. Chiberre, 1926)

REFERENCES

Outre les références générales déjà indiquées dans « Erotisme et poésie (1) », publié le 17 décembre 2019, je renvoie à l’article de Wikipédia sur Marie Dauguet.

Je recommande également ce blog : https://mariedauguet.blog4ever.com/ Ce blog a pour objectif de rassembler toutes les informations la concernant et de faire connaître son œuvre encore trop dispersée dans de nombreuses revues et de trop rares recueils.

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